Retrust Ecco the Dolphin, la poésie en jeu vidéo

Raphael Dufour le 14 mars 2015

Retrust Ecco the Dolphin, la poésie en jeu vidéo

  • Ecco The Dolphin
  • Ecco The Dolphin
    PC

Ecco The Dolphin

Editeur: SEGA  Développeur: Novotrade International  Genre: Action | Aventure Sortie France: 1992 Plateforme: Megadrive

Remontons vingt-deux ans en arrière. Nous étions en 1993, l’époque ou Sega et Nintendo étaient les seuls constructeurs de consoles de jeux. À cette époque, la Super Nintendo et la Megadrive étaient les consoles les plus puissantes du marché, et les deux géants japonais rivalisaient d’inventivités pour sortir les jeux qui feraient pencher la balance de leur côté. Nintendo avait frappé un grand coup en proposant cinq mois plus tôt un jeu qui marquerait les esprits pour longtemps : A Link to The Past. Sega, en janvier 1993, proposa à ses joueurs un autre genre de jeu, qui marquera également les esprits. Une fable, une histoire poétique, écologiste, à contre-courant des productions de l’époque. Ecco est son nom.

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Ecco est un Grand dauphin, ou dauphin souffleur. Jeune, il se différencie de ses congénères par cinq étoiles ornant sont front, symboles de la constellation du dauphin. Vivant avec son clan dans un lieu paradisiaque et tropical dépourvu de prédateur naturel, le quotidien n’est fait que de jeux, de repas et de sauts. Seulement, un moment de jeu habituel se transforme en cauchemar pour le jeune cétacé : une terrible tempête s’abat sur son petit paradis, emportant ses compagnons, mais également toutes autre forme de vie. Ecco se retrouve désormais seul, livré à lui-même. Mais dans le monde d’Ecco, les cétacés sont dotés d’une intelligence hors du commun, et ce héros inhabituel décide de partir en quête de réponses pour retrouver les siens. Il sait que quelque part dans les eaux froides et gelées vit une baleine ayant d’innombrables connaissances et il espère qu’elle lui apportera les réponses qu’il recherche. Après avoir franchi d’innombrables obstacles, traversé des abysses insondables, et affronté des ennemis féroces, Ecco réussi à trouver le sage cétacé, qui ne pourra l’aider qu’en lui indiquant le chemin vers l’Astérite, la plus vieille créature de la planète, gardienne des océans. Cet être, probablement à l’origine de la vie de par sa ressemblance avec un brin d’ADN, lui fera vivre une aventure au-delà de l’imagination. Car cette rencontre amènera Ecco à trouver l’Atlantide, avec pour but de trouver une machine lui permettant de remonter le temps, de traverser les mers du Crétacé, pour enfin découvrir la cause du drame l’ayant touché, lui et sa famille.

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Raconté ainsi, le scénario est déjà bien attaqué dans les grandes lignes. Et si le début de l’aventure permettait de voyager à travers des décors naturels, les derniers niveaux avaient de quoi surprendre tous les joueurs. Ce scénario était étonnant de par sa différence avec ceux des autres jeux de l’époque, souvent simplistes. L’histoire était un hommage à la nature et surtout aux écosystèmes sous-marins dans une bonne moitié du jeu, pour se tourner ensuite vers les légendes de la cité engloutie avant de définitivement se tourner vers la science-fiction pure et inattendue.

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Avant de pouvoir comprendre les tenants et aboutissants de ce conte virtuel, le joueur devait diriger le dauphin à travers une vingtaine de niveaux labyrinthiques grâce aux compétences propres à sa race. Il pouvait charger (bouton B), utiliser son sonar (bouton A), nager plus rapidement (bouton C) et sauter hors de l’eau pour passer certains obstacles. Le sonar était particulièrement utile pour parler aux autres espèces de cétacés rencontrées au cours de l’aventure (dauphins, épaulards, baleine) et il permettait surtout en maintenant A d’utiliser le principe d’écholocalisation pour ainsi avoir une vue d’ensemble des environs symbolisés par une carte. Cette carte était utile pour se repérer dans les méandres sous-marins jamais simples à franchir, mais aussi repérer d’éventuels ennemis. La charge quant à elle, permettait d’attaquer ces prédateurs naturels parsemant les nombreux niveaux tout en permettant de manger les poissons indispensables à la régénération de sa santé. Santé symbolisée par une barre bleue sombre en haut, à gauche. Bien sûr, Ecco pouvait mourir, mais il n’y avait pas de vie, perdre étant suffisamment punitif pour ne pas intégrer un game over. En effet, sa santé vidée par les ennemis ou des obstacles, Ecco revenait simplement au début du niveau, obligeant le joueur à recommencer le stage. De quoi énerver les moins patients, surtout si la fin du niveau était proche.

S’il n’y avait eu que la barre de vie, la difficulté aurait peut-être été moindre, mais Sega avait intégré une autre barre tout à fait logique, symbolisée par une couleur bleu clair : l’oxygène. Vous vous en doutez, Ecco étant un mammifère, le joueur devait régulièrement remonter à la surface, trouver des poches d’air quand il s’était bien trop enfoncé dans les abysses pour envisager de remonter, ou trouver des bulles d’air. Forcément, ne pas le faire provoquait la mort d’Ecco et donc, le retour au début du niveau. Et histoire de compliquer encore la tâche, elles n’étaient pas toujours évidentes à trouver et pouvaient se révéler être un frein à l’exploration et la contemplation.

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C’est d’ailleurs le seul reproche que l’on pouvait faire à cette œuvre : sa difficulté. Car Ecco n’était pas un jeu simple, et descendre dans les profondeurs compliquait la tâche, la luminosité diminuant au fur et à mesure. Il fallait donc user et abuser du sonar pour réussir à voir la fin des niveaux formant de véritables labyrinthes aquatiques. Chaque niveau terminé permettait ensuite de débloquer le code de la prochaine mission, afin de reprendre là où le joueur s’était arrêté, la sauvegarde au lithium n’équipant pas la cartouche. Et il fallait absolument noter ces codes sous peine de devoir tout recommencer à zéro. La vie et l’oxygène d’Ecco faisant partie intégrante du gameplay, il n’était pas étonnant, qu’inconsciemment, le joueur fasse plus attention à sa barre bleu clair qu’aux ennemis qui pouvaient être tout aussi dangereux. Et les ennemis pouvaient être très gênants de par la légère inertie dont était affublé le cétacé. La résistance dans l’eau ne sautait pas aux yeux, mais utiliser la nage rapide au mauvais moment pouvait vite provoquer des collisions avec d’autres créatures ou des obstacles, naturels ou non. Et les boss ne facilitaient pas une tâche déjà bien ardue. Tourner en rond pour trouver son chemin n’était pas chose rare non plus, la quête étant souvent avare en indice, et uniquement en anglais (plutôt embêtant quand on a 7 ans).

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Ce n’est pas souvent que les décors donnaient des indices sur le chemin à suivre (hormis les glyphes, des cristaux liés au scénario), car les textures étaient régulièrement les mêmes dans les grands fonds. Favorisant encore plus l’aspect labyrinthique, les graphismes étaient également en cause dans la difficulté de certains stages. Peut-être pour lui trouver des excuses, mais la géologie sous-marine ne doit pas non plus être extrêmement variée dans les profondeurs. Ce qui fait que Novotrade, peut-être pour faciliter la programmation, a utilisé des textures identiques qui rapprochent encore plus ce jeu de la réalité. Mais hormis cet aspect parfois répétitif, le jeu est de toute beauté, avec des graphismes qui aujourd’hui encore n’ont pas prit une ride. Ecco est l’un des plus beaux jeux de l’air 16 bits, grâce à ses couleurs, la modélisation des espèces rencontrées, la variété des niveaux et le dauphin lui-même, bien sûr. Les environnements sont très détaillés, pleins de vie, donnant un aspect presque palpable à ces lieux aquatiques. Dommage de ne pas avoir un peu plus de variété dans les espèces rencontrées, qui paraissent pour certaines assez léthargiques, mais toujours maîtrisées graphiquement. Et puis le rendu des océans est très réussit, avec des effets de lumière passant à travers l’eau, tout comme les mouvements de vagues provoqués par Ecco retombant après un saut. Une beauté rarement atteinte à l’époque dans les autres productions (Comme The Order : 1886 aujourd’hui, mais Ecco avait du contenu, lui).

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Si les graphismes favorisaient la contemplation (de préférence à côté d’une source d’air), les compositions musicales invitaient aux rêves. La Megadrive n’est pas une console reconnue pour ses qualités sonores, mais Ecco faisait incontestablement partie des jeux ayant une des plus belle bande-son du support. Plus d’une dizaine de morceaux variés avaient été réalisés pour accompagner les niveaux, et leur qualité principale venait des émotions qu’elles transmettaient. Tantôt mélancoliques et doux, tantôt graves et angoissants, ces morceaux contribuaient fortement à l’ambiance onirique de ce petit bijou d’inventivités. Les bruitages n’étaient pas laissés-pour-compte, le chant des dauphins étant peut-être le plus marquant d’entre eux. Et pour continuer sur l’idée du jeu se voulant le plus réaliste possible, les cris de douleur du cétacé, lors d’attaques ou de collisions avec de douloureux éléments naturels, créaient un malaise chez le joueur, une forme de tristesse pour cet être intelligent et gracieux (avant de le maudire pour être revenu au début du niveau ! ).

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Cette difficulté se ressent aussi dans sa durée de vie. Avec plus de vingt niveaux, demandant chacun entre trente minutes et une heure pour être bouclé, (parfois plus, car cela dépend du nombre de retours au début des niveaux), Ecco : The Dolphin est un jeu long et magnifiquement réalisé. Malheureusement, il est aussi difficile d’accès, parfois frustrant, mais l’envie de toujours aller plus loin dans ce scénario très travaillé pour cette génération est plus forte que tout.

La perfection est quasiment atteinte par le studio Novotrade, cette invitation aux voyages et aux rêves, font d’Ecco l’un des jeux les plus marquants de sa génération. Ce n’est pas qu’un simple jeu, c’est une poésie virtuelle en deux dimensions. Une ode à la nature et au respect de celle-ci au départ, pour se transformer en une œuvre de science-fiction passionnante dans sa deuxième moitié. L’allégorie de l’humanité (représentée par les extraterrestres pillant les ressources) est forte de sens aujourd’hui, à une époque ou la préservation de l’environnement est une nécessité, faisant plus que jamais d’Ecco : The Delphin, un jeu d’actualité. Une création visionnaire, malheureusement entachée par une difficulté rédhibitoire qu’il faut malgré tout dépasser pour ainsi découvrir un univers qui permettra peut-être un jour d’élever le jeu vidéo au rang d’Art reconnu de tous.

Notes:

  • Scénario : 18/20
  • Gameplay : 16/20
  • Graphisme : 19/20
  • Bande-son : 19/20
  • Durée de vie : 18/20

Note Générale:18/20

Les plus :

  • Les graphismes magnifiques
  • L’environnement réaliste
  • Le scénario
  • La poésie qui s’en dégage
  • Les musiques

Les moins :

  • La difficulté globale
  • Certaines animations
  • Certaines textures répétitives
  • Uniquement en anglais Qu’est ce qui a mal vieilli ?
  • L’absence de sauvegarde
  • L’absence de checkpoint

L’avis écologiste de Nadrak:

Ecco est un jeu qui aura marqué mon enfance. De par sa difficulté tout d’abord, puis par sa direction artistique. C’est un jeu qui se démarque des autres par son absence de violence, la représentation de la nature sous-marine, et un scénario recherché en comparaison des autres productions du début des années 90. Toujours agréable à regarder vingt-deux ans après sa sortie, c’est un jeu possédant une âme, provocatrice de sentiments trop peu ressentis chez le joueur de nos jours. Une belle invitation à la contemplation et au respect de la nature.

  • Ecco The Dolphin: Versus Books Official Perfect Guide
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