Le gouvernement français veut légaliser les casinos en ligne uniquement pour les taxer

Miguel Houndji le 12 décembre 2024

La question de la légalisation des casinos en ligne en France a récemment refait surface, avec une proposition du gouvernement visant à encadrer et taxer ce marché florissant mais clandestin. Cette initiative a suscité de vives réactions avant d’être mise de coté d’autant qu’on doute fortement que cela servirait à quoi que ce soit. On vous explique tout ça

L’état encaisserait 1 milliard de dollars de taxes par an s’il autorisait les casinos en ligne en France

Dans l’hexagone, seuls les paris sportifs, hippiques et le poker sont autorisés en ligne. Les casinos en ligne (on parle de tous les autres jeux, machines à sous, roulette, blackjack, etc.), sont en revanche strictement interdits, faisant de la France l’un des derniers pays européens, avec Chypre, à maintenir cette interdiction.

En parallèle, le marché illégal a explosé. On l’estime à environ 4 millions de joueurs français, alors qu’on ne compte que 3,6 millions de joueurs sur les sites régulés de poker.

Les plateformes opérant sous des licences obtenues dans des paradis réglementaires comme le Curaçao, n’offrent aucune protection pour les joueurs. Addiction, surendettement et piratage informatique figurent donc parmi les risques encourus. Idris, un ancien joueur compulsif, témoigne de cette spirale : « Je misais de petites sommes, puis je me suis laissé emporter. J’ai perdu plus de 1 500 euros avant de tout arrêter il y a quatre mois. Mais la tentation reste forte. »
Si Idris avait joué dans un casino physique français, il aurait pu demander à être interdit de casino et donc protégé contre une rechute…

Mais si un possible changement de la loi sur l’iGaming a été évoqué, c’est surtout parce que la non taxation de ces opérateurs représente un manque à gagner estimé à plus d’un milliard d’euros par an pour l’État, une manne que le gouvernement aimerait bien récupérer. C’est dans cet objectif qu’un amendement au projet de budget 2025 a ainsi été déposé pour autoriser les sites de casinos en ligne français et fixer leur régime de taxation.

L’amendement n°I-3638 déposé le samedi 19 octobre 2024 est très clair à ce sujet, puisqu’il précise notamment que : « Le taux du prélèvement est fixé à 27,8 % du produit brut des jeux de casino en ligne. ».

Le gouvernement français veut légaliser les casinos en ligne uniquement pour les taxer

Une proposition de légalisation massivement rejetée pour le moment

Lors du dépôt de cet amendement gouvernemental, les critiques ont été nombreuses. Les opérateurs de casinos terrestres, représentés par le groupe Barrière et le syndicat Casinos de France, ont averti qu’une telle mesure entraînerait une baisse de 20 à 30 % de leurs revenus, avec la fermeture de nombreux établissements. Selon leurs estimations, 15 000 emplois pourraient être menacés.

Les élus locaux, eux aussi, ont manifesté leur désaccord. Une tribune signée par plus de 100 maires a souligné l’impact potentiel de cette légalisation sur les finances des communes où les casinos physiques sont implantés.

Enfin des associations de santé publique, comme la Fédération Addiction, ont tiré la sonnette d’alarme sur le risque d’accroître les troubles liés aux jeux d’argent, ces plateformes étant parmi les plus addictives.

Face à ces multiples oppositions, le gouvernement a finalement retiré du projet de Budget 2025 cet amendement le 27 octobre 2024. Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a toutefois indiqué vouloir engager une concertation plus large avant de relancer le projet.

La légalisation des casinos en ligne dans d’autres pays Européens n’a pas été un franc succès

Dans les pays où les casinos en ligne sont autorisés, une part importante des joueurs continue de se tourner vers des plateformes illégales. Au Portugal, malgré un cadre légal mis en place en 2015, 40 % des joueurs utilisent encore des sites non régulés, selon les données fournies par les autorités de régulation locales. En Belgique, où le marché des jeux en ligne est ouvert depuis 2011, cette proportion atteint même 60 %. Un constat qui interroge sur l’efficacité des mécanismes mis en place pour encadrer le secteur et l’intérêt de changer la loi en France.

L’échec de la légalisation des casinos en ligne en Europe tient probablement à plusieurs facteurs. D’une part les plateformes illégales qui ne sont pas soumises à des taxes élevées sont en mesure de proposer des avantages que les plateformes légales ne peuvent pas offrir. On pense en particulier à des taux de retour aux joueurs plus attractifs le tout sans avoir à suivre la moindre restriction concernant les bonus ou les limites de mises.

Elle échappent également aux mesures de protection des joueurs, comme l’interdiction de publicités ciblées sur les populations vulnérables ou les restrictions sur les bonus de bienvenue. Autrement dit ce n’est pas tant qu’elles soient plus attractives, mais plutot qu’elles peuvent beaucoup plus facilement toucher leur public cible au moyen de publicités agressives.

Le gouvernement français veut légaliser les casinos en ligne uniquement pour les taxer #2

Un encadrement légal ne suffit pas à protéger les joueurs

Mais ce n’est pas tout : il semble que la légalisation des casinos en ligne aurait même eu des effets négatifs avérés sur les habitudes des joueurs, en banalisant cette activité.

Au Portugal, la légalisation s’est accompagnée d’une hausse notable du nombre de joueurs déclarés en situation d’addiction, selon une étude menée en 2022 par l’Observatoire des addictions comportementales. L’offre légale, plus visible et accessible, aurait en partie contribué à accroître la participation, sans pour autant réussir à enrayer les pratiques risquées.

En Belgique, le système d’auto-exclusion, qui permet aux joueurs de se bloquer eux-mêmes l’accès aux casinos en ligne, est en place depuis plusieurs années. Pourtant, un rapport de la Commission des jeux de hasard belge montre que nombre de ces joueurs exclus se tournent vers les sites illégaux, où aucune mesure de ce type n’existe.

Autrement dit, il semble que le seul vrai intérêt dans une légalisation de ces acteurs résident dans la possibilité de taxer de nouvelles entreprises et rien de plus …

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